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Les secrets d'un MOF par Stéphane Leroux

13 août 2019

Chocolat
Pâtisserie

Sacré Meilleur Ouvrier de France Pâtissier-Confiseur en 2004, Stéphane Leroux est Technical Advisor International chez Belcolade depuis plus d’une décennie et auteur de trois livres : « Matière Chocolat », sortie 2008, « Le Praliné », publié en 2013 et « Bleu Chocolat », paru en 2017. Issu d’une famille d’artisans et passionné par le voyage, il a toujours eu pour objectif d’exceller dans son métier.

Pouvez-vous nous résumer votre parcours professionnel ?

J’ai débuté dans la profession à l’âge de 15 ans, en tant que pré-apprenti Pâtissier chez Monsieur Richet à Chantilly, dans ma ville natale. Ce n’est que bien plus tard que je me suis orienté vers la chocolaterie.

Après trois ans d’apprentissage et ayant surtout l’envie de voyager, je me suis tourné vers le compagnonnage. J’ai parcouru la France et l’Europe durant une période de 8 années. Cette étape a été très importante dans mon parcours personnel et professionnel. J’y ai rencontré des hommes et des femmes dotés d’une grande richesse humaine et philosophique, qui m’ont appris le partage et la transmission, deux éléments essentiels dans la pratique de mon métier.

Après 12 années de pratique intense, j’ai ressenti le besoin de savoir où je me situais d’un point de vue professionnel. Je me suis donc tourné vers les concours et la compétition. A vrai dire, le seul concours qui pouvait avoir de l’intérêt à mes yeux était celui de l’Un des Meilleurs Ouvriers de France, plus proche de l’esprit du compagnonnage – tout au moins dans l’envie de ne pas être uniquement reconnu que pour sa valeur professionnelle.

Je dois admettre que c’était un peu naïf de ma part de commencer par celui-ci, vu mon manque de préparation pour affronter cette épreuve. Je n’ai pas obtenu ce titre lors de ma première participation à la finale de 2000, mais j’ai beaucoup appris sur moi-même. Je ne l’ai jamais considéré comme un échec, bien au contraire.

J’ai donc remballé ma fierté et me suis confronté à des concours plus en rapport avec mon niveau de connaissance de l’époque avant de revenir vers celui de l’Un des Meilleurs Ouvriers de France, que j’ai obtenu par la suite en 2004.

Entre temps, j’ai remporté le trophée Pascal Caffet en 2001. J’ai également participé à deux coupes du monde aux Etats-Unis : médaille de bronze en 2002 et vice-champion du monde en 2004 avec deux premiers prix internationaux pour les pièces artistiques en chocolat lors de ces mêmes compétitions.

Comment se sont passées ces quatre années entre votre première participation au concours et l’obtention du titre de MOF ?

Ces quatre années ont été très éprouvantes et intenses pour moi et mon entourage. Elles ont néanmoins été nécessaires et ont contribué à une meilleure préparation de l’épreuve ultime de l’Un de Meilleurs Ouvriers de France.

Je n’ai pas l’esprit de compétition et je n’aime pas ce qui peut parfois être véhiculé lors de celles-ci. Pourtant, je considère le titre de l’Un des Meilleurs Ouvriers de France comme étant une épreuve humaine et professionnelle.

Après ces différentes étapes et n’ayant pas fait le choix de m’installer – de manière à garder cette indépendance et cette mobilité qui me sont chères –, il m’a paru indispensable d’avoir d’autres projets pour continuer à progresser dans ma vie et mon travail. J’ai donc rejoint Belcolade, ce qui m’a permis de partir à la découverte du monde et de réaliser trois livres professionnels : « Matière Chocolat » en 2008, « Le Praliné » en 2013, « Bleu Chocolat » en 2017.

D’où venait votre obstination pour réussir le concours de MOF ?

J’ai été élevé dans un milieu de culture artisanale, ayant pour doctrine « choisis un beau métier, pratique-le avec amour et sérieux, ça devrait pouvoir te rendre heureux ! ». Mon père, mouleur noyauteur en fonderie au sable de son état, a été lauréat de ce titre en 1979.

Vu ma culture familiale et mon parcours, je pense qu’il ne pouvait en être autrement. Vouloir exceller dans mon métier était un objectif pour moi.

Comment y arrive-t-on (à devenir MOF) ?

En travaillant bien sûr, mais pas seulement. La patience et la persévérance sont également importantes. Tout comme être entouré et soutenu par ses proches, rester soi-même, avoir une identité, une personnalité, être honnête et courageux, savoir prendre des risques, avoir de la discipline et une bonne connaissance de soi afin de savoir repousser ses propres limites, faire des choix parfois difficiles, être à l’écoute et se remettre en question, être fier mais rester humble, se sentir prêt.

Bien entendu, il existe bien d’autres vertus pouvant s’associer à la réussite de cette épreuve, mais j’aime bien celles-ci.

Quels sont vos conseils pour ceux qui souhaitent se lancer dans l’aventure ?

Le faire sérieusement et être conscient de l’épreuve et de l’engagement que le concours représente, avec tout ce que cela implique pour arriver au bout. C’est une épreuve qui ne vous laissera pas indemne, quoi qu’il arrive.

Avez-vous eu des moments de doute ?

Je me suis posé la question de savoir si je serais à la hauteur et si je méritais un tel titre et une telle confiance de la part de mes pairs. Je me sens soulagé d’avoir réussi le concours en 2004, car je ne sais pas si j’aurais eu la force de le passer une troisième fois. La frontière entre la raison et l’obstination est parfois étroite et ça peut devenir dangereux pour vous et votre entourage. 

Et aujourd’hui, comment le vivez-vous ?

Aujourd’hui, ce qui me tient à cœur, c’est de continuer à toujours progresser et avoir des projets professionnels et personnels. Faire preuve d’engagement est aussi très important pour moi, tout comme former les plus jeunes et continuer à transmettre ce métier. Ma famille est également essentielle pour moi, elle fait partie d’un équilibre.

Avez-vous envie de passer d’autres concours ?

Je ne vois pas ce que cela m’apporterait de plus, mis à part flatter mon égo. Je pense qu’il existe d’autres moyens de se remettre en question.

Vous parlez souvent de partage et transmission. Est-ce la raison pour laquelle vous êtes devenu formateur dans de nombreuses et prestigieuses écoles (ENSP, INBP, Ecole de Stéphane Glacier, entre autres) ?

Je dispense environ cinq stages par an. Ce n’est pas énorme mais je le fais depuis 25 ans. Ce qui me plait le plus dans ce genre d’activité sont les rencontres, le fait de pouvoir partager mes techniques, mon expérience et d’avoir la possibilité de voyager.

On fait toute sorte de rencontres lors de ces stages et je dois dire que le public a beaucoup changé depuis 25 ans, il s’est très diversifié. Aujourd’hui il y beaucoup plus de jeunes qui participent aux stages et aussi plus d’étrangers. 

Vous avez expliqué au début de l’interview que vous êtes pâtissier de formation. Comment avez-vous découvert votre passion pour le chocolat ?

Au début de ma carrière, je n’aimais pas vraiment travailler le chocolat, c’était plus par manque de connaissance et de maitrise qu’autre chose. Je n’arrivais pas à exprimer ce que je voulais avec cette matière. Il faut dire qu’à cette époque, les moyens techniques pour la réalisation de pièces en chocolat n’offraient pas les mêmes perspectives artistiques qu’aujourd’hui.

J’ai commencé à travailler le chocolat de façon sérieuse il y a environ 20 ans, avant de passer le concours de MOF pour la première fois. C’était mon point faible à l’époque. C’est au moment du trophée Pascal Caffet, en 2001, que j’ai commencé à comprendre et à pouvoir exprimer ce que je voulais faire avec le chocolat.

Mais il a fallu attendre la création du concours de MOF chocolatier pour que les pièces en chocolat prennent plus de hauteur et d’ampleur. J’étais impressionné par le travail de Pascal Brunstein ou de Fabrice Gillotte, pour ne citer qu’eux. Le concours l’Un des Meilleurs Ouvriers de France chocolatier a énormément contribué à mon évolution et a été essentiel pour le développement de la chocolaterie et de l’artistique chocolat en général. Mon attrait du chocolat part beaucoup de là.

Vous avez écrit de magnifiques ouvrages dont le dernier « Bleu Chocolat ». Pourquoi ce souhait ?

La première fonction d’un livre c’est de transmettre. C’est l’une des raisons pour laquelle j’ai toujours voulu me concentrer sur des ouvrages professionnels afin de m’adresser à un public averti, d’avoir la possibilité d’aller plus loin, avoir une démarche plus technique avec des termes appropriés et l’esprit qui va avec. Les tirages « grand public » ne m’intéressent pas, je suis un professionnel qui s’adresse à des professionnels.

C’est aussi pour moi un moyen de me remettre en question et qui me fait progresser dans mon travail. Sans la réalisation de ces livres, je n’aurais certainement pas les mêmes connaissances aujourd’hui. J’apprends énormément en m’investissant dans ce travail.

Ces livres n’existeraient pas non plus sans le soutien indéfectible que Belcolade m’apporte. L’entreprise a toujours été à mes côtés et j’ai pu réaliser ces livres en toute liberté et sans aucune pression. La qualité a toujours été le seul objectif et la seule motivation.

Je fais confiance à l’avenir et j’aime à penser que mon évolution n’est pas encore arrivée à son terme et que je suis toujours passionné par ce que je fais, et ce, depuis 35 ans !